Entretien avec... Nancy Guilbert

Soumis par HashtagCeline le mar 28/02/2023 - 21:46

Dans mon dernier billet sur le blog, je vous parlais de mon coup de coeur pour Gazelle Punch, le nouveau roman de Nancy Guilbert à paraître le 9 mars aux éditions Slalom. Après avoir lu ce texte, je n'avais qu'une envie, dire à son autrice qu'elle avait su me toucher plus que je ne l'aurais imaginé mais aussi combien ce livre allait rester graver dans ma mémoire.

J'ai pris contact et Nancy Guilbert a accepté de répondre à quelques questions afin de m'en dire plus sur ce texte émouvant qui risque de beaucoup faire parler de lui.

Encore un grand merci à elle pour sa disponibilité, sa gentillesse et ses mots. Voyez plutôt...

#Entretien

HashtagCéline - J’aime souvent poser cette question en introduction : que diriez-vous à un lecteur ou une lectrice pour lui donner envie de lire Gazelle Punch… De quoi parle ce roman ? 

Nancy Guilbert - Ce roman raconte comment la nature et les animaux vont consoler Dempsey, Livia et Salomon, trois adolescents égratignés par la vie, pour les ancrer dans leur décision de prendre enfin soin d’eux-mêmes et de réapprendre à faire confiance aux adultes, en particulier à Violette. La nature est d’ailleurs un personnage à part entière, bienveillant, déstabilisant parfois, et désarmant.

HashtagCéline - Comment est née cette histoire ? Quelles en sont les inspirations ? Le contexte ?

Nancy Guilbert - Cette histoire a de multiples inspirations puisque j’aime croiser des lieux, des destins et des personnages, comme dans la vraie vie.
Ce qui nous fait grandir, ce sont les rencontres. L’histoire de cet ado en colère contre la terre entière qui se retrouve dans un endroit perdu existe depuis très longtemps : c’était à l’origine un roman à quatre mains écrit en 2013 qui n’a jamais été publié. J’avais demandé à ma coautrice d’écrire avec moi, mais je pense que l’histoire avait besoin d’exister avec mes propres idées et personnages. Alors j’ai tout repris, et la voici, dix ans après !
L’Ardèche est désormais le lieu où je vis, où la nature est encore très préservée, sauvage. Une terre de libertés… c’était une évidence que le roman se déroule là, avec des lieux que j’ai découverts et qui ont quasiment tous servi de décor aux scènes du livre.
Chaque personnage est inspiré par une ou plusieurs personnes de mon entourage, forcément. Ce sont des parcours de vie complexes qui m’ont bouleversée et que j’avais besoin de réécrire à ma façon. Je voulais également que les dessins de Livia parlent pour elle et j’ai été tellement ravie de la collaboration avec Roland qui a su retranscrire les émotions à la perfection.
Et puis, comme souvent et je ne sais pas exactement pourquoi, le réel se mêle à la fiction pendant l’écriture. Ma cousine a brutalement perdu sa fille en février dernier et j’ai découvert ensuite que ce qui s’était passé à l’hôpital pour Violette s’était quasiment déroulé de la même façon pour elle. Alors, malgré l’immense chagrin, je suis heureuse que Manon continue à vivre à travers le roman.


HashtagCéline - Ce récit met en scène des personnages très forts aux parcours dramatiques et émouvants. Aviez-vous constitué ce quatuor d’emblée ou l’avez-vous construit petit à petit ?

Nancy Guilbert - J’attache une grande importance à la construction de l’histoire et à la façon dont les personnages tissent du lien les uns par rapport aux autres. C’est l’une des parties du processus d’écriture que je préfère… Découvrir et aller à leur rencontre. Les deux premiers ont été Violette et Dempsey. Je me suis régalée à les mettre en scène, c’était un plaisir d’écrire leurs dialogues. Livia est arrivée très rapidement, parce qu’elle faisait écho à des adolescentes qui me sont chères. Elle était indispensable pour le récit, pour s’opposer à Dempsey, certes, mais aussi pour parler des crises d’angoisses tellement méconnues. Importante aussi dans le duo qu’elle forme avec Salomon, cet ado aux prises avec son obsession des cimetières, sa peur maladive d’avoir volé la vie de quelqu’un : il était dans ma tête depuis tellement longtemps… Le lier aux autres n’a pas été si compliqué !

HashtagCéline - Quel personnage a été le plus à écrire ? Le plus difficile ? Est-ce que cela a été simple de se mettre dans la peau de chacun ?

Nancy Guilbert - J’ai écrit tous mes personnages avec une certaine fluidité, mais forcément, c’est à Violette que je me suis le plus identifiée. Cela coulait de source et je n’avais pas besoin de me 
demander si j’étais complètement juste dans mes ressentis (le fond) et dans ma façon de m’exprimer (la forme).
Chacun d’eux est une partie de moi, donc ce n’est pas si compliqué, en fait. J’éprouve de la colère comme Dempsey, de l’angoisse comme Livia, je me sens parfois illégitime ou coupable comme Salomon, démunie comme Violette… Ce sont des émotions humaines, notre part d’ombre un peu moins glorieuse qu’il faut assumer pour être authentique et rencontrer les autres.
Donc oui, ce fut relativement simple de me mettre dans leur peau. Les émotions et les ressentis sont primordiaux pour que les lectrices et les lecteurs entrent en empathie. Nous n’avons pas tous des vies extraordinaires de super-héros, alors pouvoir s’identifier à des personnages « de tous les jours », c’est important aussi.

HashtagCéline - Dans ce roman, deux choses sont très présentes, l’une dans les dialogues, la boxe, et l’autre dans le processus de reconstruction d’un personnage, le cheval. Quelle place ont ces deux éléments dans votre vie ?

Nancy Guilbert - La boxe n’en n’a aucune, mais la boxe mentale, si !
Je crois qu’à force de lire que mes romans donnaient des claques et des coups de poings aux lectrices et aux lecteurs, j’ai eu envie de prendre le contrepied et de parler de boxe pour de bon… et par-dessus-tout, je m’interroge sur ce qui pousse les sportifs à se confronter physiquement les uns aux autres, quitte à prendre des coups ou à se faire casser le nez, les côtes ou les dents. Parallèlement, je rencontre énormément d’ados qui pratiquent ce sport, des amis, mon fils avec qui on en a beaucoup discuté… Lorsque les mots ne sortent pas, est-ce que les poings doivent prendre le relais ?
Quant à l’équithérapie, c’est un sujet qui m’interpelle et me bouleverse. Le papa d’une petite lectrice m’a envoyé des liens et des vidéos suite à une intervention dans la classe de sa fille, et après avoir visionné ces reportages, j’ai instantanément su que j’écrirai dessus.
Et puis ça a fait résonnance, car j’habite désormais près d’un centre équestre où les chevaux sont quasiment en liberté, comme dans le roman… Un endroit qui m’a étrangement semblé familier, comme si je l’avais toujours connu, où je vais très souvent, parce que les chevaux m’apaisent.
Dans dix jours, je vais à la rencontre de deux équithérapeutes qui accueillent des ados en difficulté, à quelques kilomètres de chez moi.
La boucle est bouclée !

HashtagCéline - Gazelle Punch est un roman qui aborde de nombreux sujets douloureux mais qui malgré tout, est très lumineux et porteur d’espoir. J’imagine que c’était important pour vous ?

Nancy Guilbert - Je n’imagine même pas faire autrement. Les adolescents d’aujourd’hui sont en si grande souffrance que si nos personnages ne leur tendent pas la main pour leur dire « eh oh, regarde, c’est possible », qui le fera si malheureusement ils n’ont pas les adultes compétents près d’eux pour les rassurer ? C’est d’ailleurs ce que les livres m’ont apporté et je reçois tellement de messages que cette conviction se renforce de romans en romans.

HashtagCéline - Violence, deuil, mal-être, différence … Sans dévoiler tous les thèmes, pensez-vous qu’on puisse parler de tout dans la littérature ado?

Nancy Guilbert - Oui, je le pense. L’important, c’et l’authenticité, toujours. Le dire vrai. Les ados y sont extrêmement sensibles. Un pas de côté, une expression mal choisie, une émotion mal racontée, une action surjouée… et ils décrochent de l’histoire. Ils ne font pas de cadeau et ils ont raison, surtout sur des sujets aussi durs.
On doit y aller avec précaution lorsqu’on aborde ces thèmes-là, surtout si l’on n’y a jamais été confronté.e. Ne pas oublier non plus que notre adolescence d’adulte n’a rien à voir avec celle des adolescents aujourd’hui. Rester humble, informé.e, bienveillant.e et empathique : je crois que c’est la clé.  Les adolescents, et c’est mon point de vue, détestent le faux-semblant 
ou lorsqu’on s’approprie leur mal-être sans délicatesse. Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, de ne pas dénoncer. Mais il y a une façon de le faire et c’est toute la difficulté de l’écriture.

HashtagCéline - Par curiosité, quels sont vos prochains projets ?

Nancy Guilbert - Une trilogie fantastique pour les 9-12 ans chez Didier jeunesse : sortie des deux premiers tomes le 8 mars, sortie du 3ème tome en sept/oct 2023.
Le tome 5 de la collection « Histoire dans l’art » pour les 9-12 ans, chez Palette, inspiré de faits réels, septembre 2023.
Un roman junior illustré chez Plume de Carotte, septembre 2023.
Un roman fantastique (que j’ai mis dix ans à écrire et pour lequel j’ai obtenu une bourse d’écriture, heureusement), chez Courtes et Longues, automne 2023 ou début 2024.
Un roman junior, écrit avec le Feuilleton des Incos.
Des projets d’albums encore à l’état de… projets ^^, 2024 probablement.
Les idées sur un cahier pour le prochain roman ado, 2024.

Merci pour votre coup de cœur et cette interview, Céline !

Nancy Guilbert
Editeur
Public
Date de sortie
Nombre de pages
384
Prix
16.95 €
Langue
Français

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