Un petit bout d'enfer

Soumis par HashtagCeline le dim 04/07/2021 - 21:42

“Le ventre est réduit en bouillie. C’est une phrase de roman. Une phrase faite pour être écrite. On ne le dit pas, dans la vraie vie, je suis passée à côté d’un ventre réduit en bouillie. La bouillie, c’est une expression. C’est abstrait. Une bouillie. Mais là, sur la moquette bleue d’une salle de cinéma, je passe devant un ventre réduit en bouillie et je marche même un peu dedans et je ne pleure pas, je ne brame pas. Je ne ris pas non plus. Je n’ai aucune réaction. Le garçon, lui, pousse un cri et porte sa main à sa bouche. C’était son copain, la bouillie.”

 

#RachelCorenblit

Il va falloir que je me penche sérieusement sur le cas de Rachel Corenblit… Après mon coup de coeur pour son dernier roman (La Maledetta paru chez Nathan que j’ai chroniqué dans le numéro d’été 2021 de Page des libraires) couplé à celui que j'avais eu pour Les potos d'abord (dans la collection Court toujours de chez Nathan également), j’ai décidé de jeter un coup d'oeil plus appuyé sur sa bibliographie.

Un titre a tout de suite retenu mon attention (même si ce n'est pas le seul) : Un petit bout d’enfer paru au Rouergue en 2009.
Et ensuite, non, ce n’est pas sa couverture qui a fini de me convaincre mais son résumé…
 

#QuatrièmeDeCouv'

Elle n'a pas encore seize ans, mais elle fait tout comme.
Quand elle s'installe dans la salle de cinéma à la première séance, pour échapper aux vacances pourries chez sa grand-mère, elle ne sait pas que " les scènes particulièrement violentes qui pourraient heurter sa sensibilité ", ce n'est pas seulement sur l'écran. " Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de venir ici. Et puis, je n'aime pas vraiment les films d'horreur. Le sang partout, les cris, les filles qu'on poursuit dans les labyrinthes.
Mais je n'ai jamais vu de films interdits aux moins de seize ans."
 

#SeizeAns...

“Je peux le faire, il dit, je sais que j’en suis capable, je sais, capable et il vérifie si les larmes sont dans ses yeux mais c’est fini, il le sait, il ne pleurera plus jamais.”

Paru en 2009, je n’avais jamais vu passé ce roman et j’ai eu le nez fin de m’y arrêter cette fois-ci.
Je ne m’attendais clairement pas à trouver autant de noirceur, de violence et de sang en démarrant ma lecture.
Rachel Corenblit va au bout des choses, au bout de l’enfer. Et honnêtement, c’est génial. Sur le site du Rouergue, ce texte est rapproché de l'excellentissime Je ne mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud. Oui, effectivement, il y a de ça. J’y ai aussi retrouvé une ambiance à la Robert Cormier, en plus trash, avec ce héros désabusé et complètement à la dérive ainsi que cette tension intolérable de bout en bout.

Un petit bout d'enfer nous raconte donc l'histoire de Juliette et ses "quatorze ans qui sentent le moisi" qui voudrait en avoir seize. Alors, elle ment. Et ça fonctionne. Avec ses airs de jeune fille sérieuse, elle fait des bêtises. La dernière en date l'a envoyée en vacances forcées chez sa grand-mère où elle s'ennuie ferme.

Ce roman nous raconte aussi l'histoire de Jules, qui après seize ans de vie commune, se retrouve seul. Sa femme l'a quitté. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne sait pas comment le gérer, lui qu'on a toute sa vie rabaissé...

La narration donne la parole alternativement à Jules, ce mari délaissé, ce père de famille manqué mais aussi à Juliette, cette adolescente apparemment sans histoire à qui il va en arriver une terrible.

Le récit se découpe en quatre parties. Les deux premières mettent en place l'histoire et font monter la pression. La troisième, par fragments, nous donne quelques explications sur le passé et les traumatismes de Jules, cet homme en détresse totale, en mode déconnecté. Et la quatrième, c’est l’apothéose, le dénouement funeste.

Les deux personnages principaux sont liés par ce nombre d'années : seize. Tout un symbole pour l'un et pour l'autre. Juliette, tout comme Jules, m'a déstabilisée. C'est une ado qui veut grandir trop vite. Et elle ne semble pas tirer leçon de ses erreurs.

“Et il m’a demandé, pourquoi, Juliette, pourquoi et j’ai soufflé, je ne suis pas un ange. Moi.”

Jules, lui, va franchir la limite. Dès le départ, sans retour en arrière possible. On ne lui pardonnera pas ce qu'il a fait, mais on aura des éléments pour saisir ce qui l'a fait passer à l'acte... 

"Je m'appelle Jules. La moitié de toi. Jules et Juliette."

Rachel Corenblit jongle avec nos sentiments et nous fait tour à tour aimer, détester, avoir pitié, puis comprendre ses deux héros.

Il y a de très beaux passages également, malgré l’horreur. 
Mais la violence est là. Omniprésente. De nombreuses scènes sont insoutenables. Je m’en suis étonnée sans le récriminer. Sans toute cette brutalité, le récit aurait été tiède. Ici, la violence ne se cautionne pas mais donne sa force au roman.

Rachel Corenblit, je l’ai dit, va au bout des choses. Et elle n’épargne pas ses lecteurs. Elle a raison car le résultat est là : ce roman est captivant, original et hyper réaliste.

#PourQui?

Pour ceux et celles qui aiment les romans qui les malmènent.
Pour ceux et celles qui ont toujours peur des mauvaises rencontres…
Pour ceux et celles qui ont le coeur bien accroché.

Pour tous et toutes (sauf les âmes sensibles) à partir de 15-16 ans.
 

Coup de cœur !
Collection
Editeur
Public
Date de sortie
Nombre de pages
144
Prix
8.20 €
Langue
Français

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